Dans un chassé-croisé constant entre les voyages galactiques et les querelles quotidiennes qui ont souvent trait à sa jalousie morbide, Jérôme Letendre vit littéralement «dans» son prochain roman pendant que Maurice Bérulier, l’éditeur des Imbuvables, attend cette dernière mouture pour en faire une autre publication encensée par la critique. Un cocktail bien particulier, et une finale digne d’un roman policier.
Extrait
Mon dernier roman m’a valu la note habituelle: quatre étoiles et demie au tribunal de l’Écho des lettres, un truc prétentieux comme son fondateur, Gilbert Tracemot, grand censeur des littérateurs. Autoproclamé, il faut bien le rappeler, mais il l’a tant répété au fil des années, sur toutes les tribunes qu’il a trouvées, qu’on a fini par le croire, et sa feuille est devenue la Bible qui fait et défait les écrivains sur ce côté-ci de la planète. Tracemot peut vous couper de l’Olympe et du Panthéon, vous rayer de la carte du ciel d’un simple trait de sa légendaire Mont-Blanc, il vous l’agite sous le nez dès qu’il en a l’occasion.
«Ariane, ma sœur…: le dernier Letendre est un long, très long ouvrage un peu convenu, a-t-il osé écrire. Mais ça demeure du Letendre. On ne s’en lasse pas… encore. ****1/2.» […]
Je lui montrerai qu’il se trompe: je la trouverai bien, tapie là-bas quelque part près de Mizar, dans la Grande Ourse, ou dans la bouche de Cassiopée, ou alors ce sera SS433, une supergéante suicidaire qui s’est mise en couple avec un trou noir. Peu importe, cet astre pâle et insignifiant qui me gâche la vie finira pourtant par l’illuminer, comme ces petites étoiles scintillantes que l’institutrice collait jadis dans mes cahiers, gages de mes jeunes prouesses et de mon talent précoce. Un jour, il sera l’auréole boréale au zénith de mon ciel, la langue de feu au-dessus de ma tête.