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Et ce sera le feu, nos armes et les bois, ce sera ce nonpays, ce territoire surtout, et puis ce sera encore le feu et nos armes, les bois traversés, ce sera l’Amérique des hors-la-loi et celle de nos révoltes, ce seront nos violences libérées, et nos promesses de tout brûler, et nous brûlerons tout, avant de brûler debout, la Mélisse en tête, notre Mélisse ignition.

À la frontière entre le roman noir, le brûlot politique et le western nordique, Brûler debout se présente comme une œuvre de la table rase. Par un débordement des gestes, de la langue et de la violence, l’auteur nous invite à suivre la fuite dans le territoire d’un groupe de desperados.

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Extrait

Dans les bois noirs d’Aishinnu

C’est à peine si je me souviens du bruit que faisaient les silements de leurs balles, mais je revois le corps de la Mélisse qui sombre et qu’on emporte derrière les lignes. Et j’entends leurs hélicos dans le ciel, leurs bottes dans les allées, leurs ordres et leurs cris hurlés dans nos entours. Il y avait ce froid aussi, et du sang, beaucoup de sang, mais c’est le froid qui me revient en mémoire aujourd’hui, parce que nous avions l’habitude du sang.

               Il pleuvra des bombes,

prédisait Gagnon.

               Et le feu jaillira comme la sève au printemps,

               alors il faudra comprendre et se rappeler les signes.

Dans les bois noirs d’Aishinnu aujourd’hui, moi seul lis encore les signes. Tous les autres ont continué à brûler debout, brûler debout jusqu’à ce qu’ils retournent et se mêlent à la cendre de ce non-pays qu’on aura viré à l’envers. Avant ma fuite, avant mes pas de traître, nous aurons existé ensemble autrement. Ensuite, ça aura été mon retrait dans mes silences parallèles. C’est de là que je nous raconte. Et pas une journée ne passe sans que je ne les maudisse tous, eux et les descendants tarés de leurs fossoyeurs, ces fils de chiens et ces fils de sales, ces fils de maîtres.

Les nuits d’Aishinnu sont froides à couper les chiens en deux, mais le feu de la vengeance est un feu qui brûle longtemps. Je garde les flammes hautes et vives et j’apprends à me dire, à nous raconter. J’apprends à nommer le tumulte qui a suivi nos embrasements. Et je n’oublie rien.

On en parle

Dans Brûler debout, Mathieu Blais porte haut la voix d’une insurrection, d’un besoin de réveiller les consciences et de mettre fin à l’asservissement. Soutenu par une langue franche, aussi brute et libre que les personnages, le récit fait table rase des convenances, secoue les consciences endormies des « demi-civilisés ». 
—Marie Fradette, Le Devoir, octobre 2024