La marchande de sable est un récit où se confrontent langues et histoires, peuples nomades et sédentaires, désert et ville. Il est question d’une petite fille, nommée Schéhérazade, et de ses pouvoirs étranges. Elle a un rapport complexe à la langue arabe, qui est pour elle à la fois langue étrangère et langue paternelle. Utilisant cette langue, elle fait appel à son père. Mais quand le père arrive, il est trop tard. La ville doit-elle imposer une seule langue, sédentaire, enracinée? La ville qui a opté pour la fixité (par contraste à la mobilité nomade) se trouve infectée par l’arabe, infection qui sera la cause de sa destruction.
Extrait
Dans la tribu, les pleureuses racontaient des histoires de vengeance, des vendettas dans les déserts brûlants, des meurtres et des malédictions, des visages brûlés à l’acide dans les pays trop chauds de l’honneur, de magnifiques visages, des amours entre-lapidés, quand la tête tombe doucement sur la poitrine. Il y a l’humanité aussi, elles disent, les pleureuses. On oublie l’humanité des gens qui nous ressemblent, on oublie qu’on pourrait la perdre, nous aussi. Les enfants, les jeunes gens, les vieillards se taisaient. Parce que les pleureuses ne parlent pas si souvent, ne réunissent pas si souvent les gens dans la solitude de leur tente. Les pleureuses ont assez de toute la douleur du monde, de toute la douleur des morts sans ajouter la tristesse quotidienne de ceux qui vivent et qui espèrent, toujours, comme des amnésiques. Les pleureuses racontaient leurs histoires de vengeance, de visages magnifiques, d’amants trompés, d’honneur bafoué, d’enfants exécutés.
On en parle
Ce récit tient de la fable, la première partie sur le mode de l’enchantement, la deuxième partie sur le mode du drame de vengeance. La langue poétique, formidablement originale, est maîtrisée de bout en bout, homogène et parfaitement contrôlée. Un texte d’une grande beauté.
– Sherry Simon