La famille Landry habite en banlieue, où elle mène une vie bien ordinaire. Luc est traducteur; Nathalie, préposée aux bénéficiaires dans une résidence pour personnes âgées; et Lucie, leur fille, ronge son mal de vivre en compagnie de ses amies, adolescentes comme elle.
Hugo Léger trace un portrait presque clinique de leur vie aseptisée et routinière où tout semble aller pour le mieux. Mais il y introduit des fausses notes qui en ternissent peu à peu l’image et la font vaciller sur ses bases. Si certaines font sourire, d’autres font grincer des dents. La plus discordante, c’est la disparition de Luc, qui fait ressortir tout ce qui se terrait dans le non-dit. Que lui est-il arrivé? S’est-il enfui? Suicidé?
Le silence du banlieusard est un roman sur le silence et la disparition. Disparition d’un mari, d’un père, d’un frère, mais aussi disparition des repères moraux et des sentiments amoureux, et, ultimement, disparition du Québec dont l’avenir peut sembler bien hypothétique. C’est dans le dérapage progressif d’une vie que Luc avait pourtant si bien réglée que le roman donne toute sa mesure.
Mais Luc n’avait pas prévu l’inconcevable.
Extrait
Partis de leur bungalow, ils empruntent les rues étroites du vieux Greenfield Park, des rues que le garçon ne connaît pas, mais qui lui semblent familières parce qu’elles s’apparentent à la sienne, bordées de maisons modestes, d’arbres matures et de terrains étonnamment vastes. Ici, nous ne sommes ni en ville ni à la campagne, moitié dans l’une, moitié dans l’autre, au cœur de ce compromis géographique qu’on appelle la banlieue. Ils prennent la rue Empire, puis Regent à gauche, pour monter sur le boulevard des boulevards, celui dont le nom à lui seul évoque l’euphorie de la consommation, celui qui pétille de néons bigarrés et d’affiches géantes qui se dressent comme une haie d’honneur à l’argent qu’on y dépense: le boulevard Taschereau, cette interminable plage de magasins et de centres commerciaux qui scarifie la banlieue sud de Montréal et la hisse au rang de référence commerciale nord-américaine. C’est ici, sur les berges du Saint-Laurent, que la modernité a échoué à la fin des années soixante, sous l’impulsion de l’Exposition universelle de Montréal.