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Par Deni Ellis Béchard

Texte original en anglais traduit par Dominique Fortier

La deuxième fois qu’Andrew voit Hugh, son demi-frère, c’est à l’enterrement de leur père. Si Andrew accorde peu d’intérêt à l’homme auprès duquel il a grandi, Hugh, lui, a développé une fascination pour cet être solitaire, qu’il a à peine connu. Quand il découvre dans le bureau de celui-ci le livre d’un certain Rafael Estrada, Hugh est convaincu qu’il détient la clé de son identité profonde. Avec toute la maestria qu’on lui connaît, Deni Ellis Béchard signe avec Une chanson venue de loin l’un de ses romans les plus poignants, une quête des origines qui mènera le lecteur de l’Île-du-Prince Édouard du 19e siècle à l’Irak troublé d’aujourd’hui, en passant par les champs de bataille de la Première Guerre mondiale. Une histoire que traverse le fil ténu d’une mélodie inoubliable, qui hante tous ceux qui l’ont entendue.

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Extrait

« Ce soir-là, j’ai présenté Hugh à Nathalie, dont je cherchais à gagner les faveurs. Ma relation avec elle était restée au point mort pendant un mois où nous nous étions contentés de sorties platoniques, pour éclore tout à coup dans la chaude atmosphère de la mort de mon père, après une soirée où je m’étais effondré et avais fondu en larmes. Elle avait balayé le malaise que me causait l’allure redneck de Hugh en me disant que je devrais être fier d’être l’objet de son admiration. Nous l’avons emmené chez Gastown, puis au Spaghetti Factory et au cabaret, où il a fait la sourde oreille aux blagues de l’humoriste pour mitrailler Nathalie de questions. »

« Hugh ne saurait jamais à quel point notre père avait été solitaire, à quel point il était amer que tout le monde ait si facilement oublié la guerre du Viêt-Nam qui, bien qu’il ait refusé d’y prendre part, avait défini sa personne. Il vivait, écrivait et publiait des romans et pourtant, dans chacun d’entre eux, il réécrivait le même livre sur les objecteurs de conscience, explorant ce conflit avec tant de passion qu’il semblait n’avoir d’amour pour personne ni rien d’autre. Dans ces pages, il ne cessait de renier son pays, le geste décisif de son existence. »