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Soigner la médecine

Ramener l'humain au cœur de la santé

Médecin de cœur et soignant naturel, Jean Désy exerce la médecine comme on prend soin d’un ami. Il est à même de constater autour de lui que la pratique médicale souffre cependant d’un effritement dans l’art de rencontrer les malades afin de leur prodiguer des soins. La médecine contemporaine, d’obédience technoscientifique, a tendance à oublier sa fonction humaniste. Dans cet essai, l’auteur rappelle qu’il est temps de soigner la médecine par l’écoute, l’accueil, la compassion, l’amour, le dialogue, le toucher, tout cela faisant partie du traitement autant que les radiographies ou les médicaments.

À partir d’anecdotes et d’histoires issues de la pratique médicale de l’auteur comme urgentologue, cet essai veut inspirer une approche tournée vers la personne humaine.

Avec cet essai de réparation, j’ai voulu réitérer ma conviction que « soigner l’autre », c’est se préoccuper autant de sa psyché que de sa corporéité.

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Extrait

La pratique médicale telle que je la conçois n’est pas une affaire de mécanique dont la transmission serait devenue éreintée et dont le traitement de réparation repose essentiellement sur les qualités d’une nouvelle pièce toute neuve. La médecine est beaucoup plus qu’une activité mécaniste tendant à la « réparation » du corps ou de l’esprit, bien qu’en médecine contemporaine, de nombreuses plaies, même sévères, peuvent être réparées, et fort bien. La croissance des moyens techniques pour diagnostiquer et traiter les humains suit une indubitable courbe exponentielle. Mais l’habileté à manipuler des machines et des robots me semble en voie de faire oublier l’art de rencontrer, de regarder et de sentir un patient. Il y a problème, et c’est un problème majeur à mon avis, un réel danger que la dite « médecine » se transforme en un lieu d’activité pour « intelligence artificielle », là où une grande partie des soignants pourront être remplacés, à tout le moins en ce qui a trait aux diagnostics et aux traitements de la corporéité humaine.

Les médecins, comme bien d’autres soignants, examinent de moins en moins les malades, -- souvent, ils ne les regardent même pas dans les yeux!— choisissant de les envoyer dans une salle d’imagerie médicale afin de subir par exemple une tomodensitométrie qui, il est vrai, proposera souvent un ou plusieurs diagnostics, tant pour une douleur au genou qu’une souffrance au ventre. Mais ces patients, une fois revenus de la salle de radiologie, ne seront pas plus examinés.

À mon sens, « soigner » s’avère nettement plus complexe que « réparer ». Soigner, c’est recevoir un être qui souffre, qui a mal, qui présente parfois une maladie qui va le tuer. On ne peut pas bien soigner quelqu’un si l’entièreté de son être, corps et psyché confondus, n’est pas prise en compte. C’est de l’âme dont j’ose parler ici, me servant de la définition que j’ai un jour apprise en lisant le poète William Blake. C’est la raison pour laquelle j’ai voulu insister dans cet essai sur le fait que le soin apporté à l’Autre demande qu’on accepte de croire à son âme. C’est ainsi que dans une urgence (mais aussi dans une classe, lorsque l’on enseigne, alors que le contact « d’âme à âme » importe tant) c’est l’âme du vis-à-vis qui doit être reçue, et entendue, et perçue, et aidée sinon guérie, ou à tout le moins soulagée. L’acte mécanique devant un corps qui a mal doit toujours être accompagné par un acte aimant qui englobe l’état psychique du malade. Certains humains ne guérissent pas de la pathologie qui les assommait. Ils vont mourir. Voilà une raison pour laquelle je considère que soigner l’Autre, c’est savoir l’escorter dans cette avenue si étrange, si mystérieuse, mais aussi si traumatisante que représente la fin de vie. « Soigner la médecine », c’est enseigner aux soignants et aux soignantes de l’avenir que la technoscience ne peut suffire à soigner l’âme de quelqu’un qui souffre.

On en parle

Jean Désy a raison: il faut soigner la médecine afin de ramener l'humain au coeur de la santé à une époque où seul semble compter l'instant. Soigner la médecine mérite d'être lu attentivement par les soignés et les soignants, chacune et chacun y trouvera une meilleure compréhension de l'autre.          - Le Canada français, 27 juin 2024

Finaliste
Prix littéraires du Salon du livre du Saguenay – Lac-Saint-Jean (Intérêt général) 2024