Dans ce roman, il y a une embaumeuse, un vrai cactus, qui pourtant dorlote ses cadavres, les traite aux petits oignons pour aider les âmes à s’élever en paix, alors qu’elle peine à retenir la sienne qui ne tient qu’à un fil ténu. Il y a aussi un clochard qui refuse de laisser partir sa vieille et s’accroche à sa dépouille, puis à ses cendres qu’il expose dans la rue en déclamant des versets du Cantique des Cantiques pour célébrer, comme un roi Salomon, les charmes exquis de sa Sulamite. Et il y a le fils du loup, jugé et condamné pour parricide quinze ans plus tôt, qui n’a jamais fait son deuil de ce père qu’il jure avoir tué par compassion, et qu’il cherche encore. Faut dire que la dépouille, jetée à la rivière, n’a jamais été retrouvée.
Certains reconnaîtront des personnages de La rivière du loup, écrit comme un hymne à la beauté de la différence, à la filiation père-fils aussi. D’autres retrouveront les protagonistes du roman Le fin fond de l’histoire, qui soulevait des questions identitaires bien de chez nous. Dans Le fil ténu de l’âme, l’amour est intemporel, les morts côtoient les vivants, et les âmes, le plus souvent tourmentées, prennent la parole pour réclamer la paix.
Extrait
– L’âme???
Il ne l’attendait pas, celle-là! Il a peut-être oublié qu’il en a une. Peut-être ne l’a-t-il jamais su, ou qu’il n’y croit pas. Elle non plus n’y croyait pas, avant, ne lui dit-elle pas. Avant quoi? demanderait-il inévitablement. Avant qu’elle ouvre la porte de la garde-robe et y découvre, recroquevillée au fond, sa camée de mère, morte gelée d’une overdose. Avant qu’elle enserre le corps encore tiède, qu’elle le caresse, qu’elle le berce, comme il ne l’avait jamais été durant sa chienne de vie. […] Avant qu’elle sente le corps crispé se détendre pour la première fois sous la chaleur de la paume de sa main. Avant qu’elle effleure, du bout du doigt, cette corde fragile et tendue comme celle d’un violon qui retenait l’âme de sa mère, qui l’attachait encore à son corps mort.