Estelle a 14 ans en 1951, lorsqu’elle tombe sous le charme de Gloria, une ex-danseuse de revue de Montréal installée pour les vacances d’été à Baie-Saint-Paul, devant la rivière du Gouffre. Rêvant d’entreprendre une carrière à Hollywood, mais pour l’instant à court d’argent, Gloria a trouvé un gîte chez Émile, qui opère sa ferme avec ses deux fils. En échange d’un toit et du couvert, elle s’est engagée à cuisiner pour la famille, secondée par son ardente admiratrice, Estelle.
La présence de cette jeune femme superbe, indépendante et délurée, bouleversera l’existence des trois hommes et celle d’Estelle, tous amoureux de Gloria, chacun à sa façon.
Un été de passions et de désillusions pour Estelle qui découvre la réalité du monde des adultes, ses différentes facettes, ses apparences trompeuses et ses secrets sans fin, emboîtés l’un dans l’autre comme des poupées gigognes. La Gouffre se révèle un roman émouvant et profond, au rythme captivant comme celui d’une rivière qui coule, et qui nous fait revivre l’époque où la «modernité» pointait le bout de son nez.
Extrait
Mes doigts tremblaient de nervosité. Après quelques tentatives ratées de ma part, tandis que la fumeuse penchée vers moi attendait la flamme, elle mit ses longs doigts chauds et manucurés sur les miens et m’aida à mener à bien l’opération. Et alors, quand son visage s’éloigna… quand sa bouche, après une longue aspiration, rejeta la fumée dans l’air… quand ses paupières se fermèrent et que tous ses traits se détendirent… je me sentis pétrifiée, éblouie par sa beauté…
Elle fuma sa Matinée lentement, prenant plaisir à chaque bouffée, l’air songeur. Elle interrompait sa rêverie parfois pour glisser sur moi un regard nonchalant, alors que je la dévorais des yeux, submergée par un sentiment de pure adoration. Je me serais jetée à ses pieds, si nous n’avions pas déjà été assises par terre […]