Les animaux sont très présents dans ce recueil de quatorze nouvelles: des chiens, des canaris, un sanglier, un hamster, un corbeau et… une mouche. Mais ce ne sont pas de gentils toutous qu’on promène au parc, ni de charmants oiseaux qu’on écoute gazouiller. On leur fait plutôt la vie dure et, le plus souvent, on les tue. On y tue même un animal, échappé d’un parc industriel, qui ressemble étrangement à un être humain. C’est qu’ils vivent dans un univers sans pitié, y compris les baleines, dont la survie est sérieusement menacée.
La première nouvelle se passe au Québec et l’avant-dernière, dans une gare désaffectée qui n’appartient pas à notre espace-temps. Les autres ne sont pas précisément situées, mais l’argot dans lequel s’expriment souvent les personnages évoque la France. Cet argot leur coule dans les veines, à ces êtres paumés, démunis, souvent violents, qu’il s’agisse du jeune d’une cité qui fait cramer une voiture de la fourrière, d’un père et de son fils qui font le guet, planqués dans un arbre, ou de deux truands qui ratent leur hold-up. L’argot exprime on ne peut mieux leur désarroi et leur colère, qu’il fait vibrer, résonner, retentir. Il fallait des mots éraillés à ces personnages d’écorchés. Mais l’humour affleure aussi, çà et là, car Pascal Millet joue habilement de plusieurs registres. On le trouve dans la croyance en la réincarnation d’un Chinois en chien, dans l’aveuglement excessif d’une mère pour son fils ou dans l’attaque d’un drôle de train par des fainéants qui se prennent pour des cow-boys.
Extrait
Je me suis relevé, l’animal devait être là, juste devant, je l’entendais fouiller dans les ordures […].
— Bouge pas, saleté!
Il était debout, le regard mi-effarouché, mi-agressif. Ses yeux étaient bleus, immenses. La pluie avait plaqué sur son corps une chemise sûrement volée en dessous de laquelle je distinguais deux petites bosses. Une femelle, j’ai pensé.
J’ai fait un autre pas en avant et, comme à une de mes premières chasses, j’ai ressenti une sorte de malaise. La bête me faisait envie, m’attirait sexuellement. J’ai fait un autre pas.
— Avance pas! m’a gueulé la bête.
Sa voix sonnait le cristal, ses lèvres étaient brillantes, sa peau beaucoup plus claire que le reste de l’espèce. Il tenait aussi une arme à la main.
On en parle
Dans ce recueil qui regroupe quatorze nouvelles, l'auteur poursuit le travail amorcé dans son dernier roman, L'Iroquois: la dissection du côté obscur du cœur humain, de la violence qui l'habite.
Science-fiction, fantastique, réalisme teinté d'humour, Pascal Millet joue sur plusieurs registres. Ces courtes histoires entraînent le lecteur dans un monde noir, souvent violent, parfois poétique ou humoristique.
– Suzanne Giguère, Le Devoir, 21 août 2010
L'auteur nous fait vibrer de sa plume dans chacune de ses histoires: elles sont courtes, mais intenses. Chacune d'elle nous amène à réfléchir sur notre humanité, car Pascal Millet montre ce qu'il y a de plus méchant en nous mais aussi ce qu'il y a de plus beau.
– Le Libraire