Anne-Si a 15 ans, 4 ans, 32 ans. Mais pas nécessairement dans l’ordre, parce que sa vie nous est racontée de façon fragmentée, en plusieurs petits tableaux: elle mange du sable en cachette de sa mère, fait éclater de ses ongles, sous le poids du remords, la peinture sur la porte de la chambre de son fils; elle pique du linge à sa sœur, se drogue, fait le trottoir, fait la gueule, s’en sort, rechute, tombe enceinte une fois, deux fois, se balance les pieds jusqu’aux étoiles avec Céleste, sa meilleure amie, et envoie balader le reste du monde. Anne-Si excelle à crier et à noyer ses colères, mais elle peine à chuchoter ses amours. Pourtant, elle aime. Mal peut-être, mais elle aime.
Déconstruits dans le temps, ces petits tableaux aux frontières perméables se font écho et mettent en lumière la réalité sexe-drogue-maternité de cette femme qui tombe souvent et qui se relève parfois. Toujours dans le désordre.
Extrait
On mange des popsicles. Mon fils, un orange et moi, un rose. J’ai fabriqué un lit avec des serviettes; ce soir, on dort dehors. Couché dans le gazon, mon fils me fait une grosse caresse et s’exclame: «T’as toujours des bonnes idées, ma p’tite maman! — Décolle, y fait assez chaud de même.» Cette phrase est à des millions de kilomètres de ce que je voulais dire. Long silence au milieu de la canicule. Hé, je veux dire… Trop tard, il dort. Et si je lui avais dit tout de suite. C’est ça, mon problème, j’ai le si plus facile que le je t’aime. David dort toujours.