L’adoption de mesures inconstitutionnelles, les violations des libertés civiles, le recul de la présomption d’innocence, un système de justice parallèle et populaire encouragé par les médias: autant de constats qui ne sont pourtant pas faits dans un lointain pays en dictature, où règne un régime tyrannique ou une monarchie absolue. Ils proviennent plutôt d’un État qui s’enorgueillit même de son régime démocratique: le Canada. À la fois coupable et victime, notre société assiste présentement à une recrudescence d’accrocs à la primauté du droit.
Est-ce à dire, comme le titre de ce livre le propose, que nous faisons réellement face à la fin de l’État de droit? Bien sûr que non. L’auteur veut seulement attirer notre attention sur la multitude et l’importance des violations récentes, d'autant plus surprenantes qu'elles surviennent dans une apparente indifférence générale, parfois même assumée.
Remontant seulement aux trois dernières années, les exemples de violations abondent dans cet ouvrage. Ils sont regroupés sous trois thèmes principaux: violation des droits et des libertés; populisme et tribunal médiatique; séparation des pouvoirs, puissance publique et respect de la Constitution.
Parce que la violation d’un principe établi, même ponctuelle, crée un dangereux précédent. Un précédent qui aura pour effet d’engendrer un mode politique et sociétal fondé sur le populisme, le cynisme et la création d’une justice populaire parallèle.
Extrait
Le Secrétariat américain de la Défense prétend par la suite que Khadr a finalement reconnu être un terroriste. Trois ans après son arrestation, on dépose donc enfin les accusations. Mais comment les autorités américaines ont-elles obtenu cet aveu? Par des interrogatoires illégaux menés par le SCRS. Oui, le Service canadien du renseignement de sécurité lui-même. Joli.
En 2008, la Cour suprême du Canada ordonne au gouvernement fédéral de remettre aux avocats de Khadr la documentation sur les interrogatoires dont il a fait l’objet, notamment les vidéos de ceux-ci. Dès lors, on apprend que les agents du SCRS connaissaient les mauvais traitements subis par Khadr; ils savaient que ce dernier ne pouvait d’aucune façon répondre librement aux questions posées; que les aveux recueillis étaient, par voie de conséquence, systématiquement viciés.
Lorsque les documents, et surtout la vidéo, sont rendus publics, les manifestations populaires se succèdent afin de réclamer le rapatriement immédiat du jeune Khadr. Les partis politiques emboîtent le pas, parfois timidement, à ce mouvement populaire. Le Parti libéral, par exemple, peine à gérer un conflit d’intérêts évident: il était lui-même au pouvoir au moment de l’incarcération du Canadien. Difficile de crier maintenant à l’injustice.