Alice rentre du Sénégal où elle vient de passer plusieurs mois, et elle se remet difficilement de ce long voyage. Pour faire le deuil de sa grande histoire d’amour laissée là-bas, elle essaie d’écrire une lettre d’adieu dont les différentes versions s’empilent dans sa corbeille. Le beau Simon, son meilleur ami et voisin, essaie quant à lui de survivre à son enfance. Il achète une tour en ruines qu’il devra reconstruire pierre par pierre.
Ces deux personnages partagent des moments tissés de silences où chacun prend soin de l’autre à sa manière. Mais leur amitié comporte sa part d’ambiguïté, à laquelle ils n’échapperont pas.
C’est avec pudeur et délicatesse que l’auteure évoque dans son roman des sentiments violents, comme la passion ou le deuil, qui menacent de submerger les personnages. Entre Québec et Dakar, on y rencontre des personnages vrais, sensibles, qui sont dévoilés avec tendresse.
Extrait
Ori,
Je cherche les mots. J’ai peur de mourir. Je n’existe plus la nuit dans tes bras, ni mes cheveux sur tes chemises, ni ma bouche. Ici où tu n’es jamais venu, pourtant, ton absence est partout. Je t’ai aimé dans la déchirure.
Au Sénégal, je me sentais plus proche de la mort. Il suffisait de penser à l’odeur des mangues. Fraîches, la nuit, dans la cour de l’immeuble, elles étaient parfumées et juteuses, on n’aurait jamais cru sentir une odeur plus merveilleuse. Mais l’après-midi, au marché de Kilomètre Cinquante, il y en avait des milliers sous le soleil, et les vendeuses féroces se pressaient aux fenêtres des voitures pour vendre les premières et fuir au plus vite les mouches et l’odeur écœurante des fruits fermentés. Le même fruit produisait l’odeur la plus douce, la plus vivante, et la putréfaction la plus repoussante.
Nous deux, c’était pareil: la vie et la mort.