Le narrateur aime passionnément sa sœur, Georgie. Il la cherche partout après s’être enfui de l’hôpital psychiatrique où l’on essayait de lui faire retrouver la mémoire et la parole, perdues dans des circonstances tragiques. Il ne peut que crier, et son cerveau ne restitue que des images discontinues, qui nous hantent longtemps après qu’on a refermé le livre. Certaines sont joyeuses, comme celle d’un cirque, mais plusieurs sont inquiétantes: un homme brûlé à la fenêtre, des femmes de verre qui se brisent, une auto qui fonce dans un mur… Les plus terribles sont celles de gens qui tombent, encore et encore, et les plus obsédantes, celles de sa sœur: Georgie qui tient sa main, Georgie qui grimpe aux arbres, Georgie «transformée en musique», qui danse autour d’un feu, Georgie qui donne de l’argent aux clochards, Georgie dans sa robe rouge, Georgie blottie contre une vieille gitane, Georgie sur un pont… Mais où est-elle donc?
Joies est l’histoire d’un amour fou entre un frère et une sœur. L’histoire de deuils qui semblent impossibles à faire. L’histoire d’une quête qui débouche pourtant sur la lumière.
Extrait
Le ciel tombe sur les édifices de béton. Les clochers des églises se redressent tant qu’ils peuvent pour crever le ciel. Il faut l’empêcher de descendre plus bas et d’étouffer les gens qui marchent comme moi, sans but, parce qu’ils ne savent pas où s’en est allé ce qu’ils cherchent. Ma sœur déambule peut-être aussi dans la ville. Elle a peut-être mis le pied dans cette flaque de ciel, juste là, entre les deux putains qui se tiennent au coin de la rue. Il faut que je reste debout, comme elles. Il faut que je résiste à la tentation de m’étendre. Et il ne faut pas que je crie. Sinon ils vont me chasser d’ici. Il ne faut pas que je crie. Sinon ils vont me ramener à la maison des fous. […]
Je pense: «Il ne faudrait qu’une coïncidence pour que je te croise.» Je me fais du mal en imaginant que tu es peut-être à côté, pas loin, que tu remontes peut-être soudain la rue que je viens de quitter, que tu t’assois dans le parc où je me suis reposé un instant, que tu es passée à l’intersection où j’ai oublié de lever les yeux parce que je regardais les pavés et les pieds de tous les passants au lieu de leurs visages.
On en parle
[…] roman au souffle puissant, à la langue belle, qui martèle les mots.
– Danielle Laurin, Elle Québec
Joies est une histoire écrite dans une langue tellement belle qu’on a parfois le souffle coupé.
– Suzanne Giguère, «Beau comme la trompette de Chet Baker», Le Devoir