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Le téléphone a sonné. Il y a eu un malentendu. Laurel arpente les rues de Montréal dans l’après-coup d’une rupture amoureuse. Elle erre, ou elle fuit. Elle fréquente les terrasses, les appartements des amis, les fêtes dans l’espoir d’une rencontre signifiante. Elle s’étourdit, se mêle au bruit ambiant, se frappe à l’absurdité des paroles creuses. Au cœur de la nuit, elle capte une musique qui pourrait la ravir.

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Extrait

Je repense à Jon. J’aimerais mieux pas, mais je n’y peux rien, je repense à cette rencontre et je ne me sens pas bien. Ça ne passe pas. C’était un rendez-vous manqué. Un moment que j’aimerais effacer. Ou bien reprendre entièrement. Un moment qui reviendra sporadiquement, par flash. Inévitablement, ça reviendra. Ça me poursuivra jusqu’à ce que je ressente de nouveau quelque chose pour Jon. Quelque chose de définitif, de l’ordre de la tendresse ou de la haine. Quelque chose qu’on arriverait à nommer. Je ne sais pas. Je ne sais plus.

Quelle fatigue, tout à coup.

Une chose sensée, les gestes à poser, les mots à dire se déterminent-ils selon l’affect approprié? Cette histoire se résoudra-t-elle si je trouve le bon sentiment?

Quelle fatigue.

Plus j’y réfléchis, plus il m’apparaît clair que ma vie, somme toute banale, est une affaire compliquée de goût et de dégoût, d’envie et d’abjection, de gens et de lieux qui m’attirent ou me rejettent.

Je ne me sens pas bien, ça ne passe pas.    

Je couvre mes yeux de mes mains pour tout recouvrir de l’image qui me reste de cette soirée. À l’envers de ce qui m’est discernable persiste l’espace négatif duquel se détache cette histoire morte.  

L’inquiétude s’agrège.

On en parle

« Étrange héroïne que Laurel, qui nous fait vivre l’indifférence d’une relation raté, ses questionnements identitaires, ses besoins silenciés, ses envies non-identifiées, ses errances physiques et émotionnelles. Certains passages m’ont particulièrement marqué, notamment toutes les réflexions sur ses relations, tant par le style, fort de sensibilité et de franchise, que par le contenu. Un roman somme toute intriguant à découvrir »
– Annick Lavogiez, Page par Page

« Si on ne rit pas à se taper sur les cuisses en lisant Laurel, la nuit, roman atmosphérique où l’on se laisse ravir par les réflexions cyniques de la narratrice et ses pérégrinations quasi somnambuliques, force est d’admettre que plusieurs dialogues, livrés en vrac sans que les locuteurs soient identifiés, formant une suite incohérente évoquant le jeu du cadavre exquis, font sourire plus d’une fois. »
– Manon Dumais, Le Devoir, 22 juillet 2023