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Le narrateur a un fils de trois ans et deux maîtresses. Il pense souvent à une ancienne amoureuse, du nom de Sophie, qui l’a quitté ou… qu’il a tuée à coups de couteau, il ne sait trop. Il a entrepris une thérapie avec une psychologue chez qui il se rend régulièrement. Il se dit fou.

Lire S comme Sophie, c’est entrer dans la tête de quelqu’un qui ne sait plus distinguer la réalité du fantasme, pour qui la ligne de démarcation entre les deux est floue, sans cesse fuyante. C’est vivre cette confusion de l’intérieur et voir le délire surgir dans la réalité.

Pourtant, ce narrateur semble mener une vie «normale». Il écoute de la musique, il va boire et draguer au Cheval blanc ou aux Bobards, il conduit son fils à la garderie, il assiste à un lancement de poésie au Saint-Sulpice, il écrit un roman et en discute avec son ami Richard… Mais il voit aussi un rat traverser son appartement, puis les yeux de centaines de rats tapis sous ses meubles, il voit un doigt coupé dans un verre et des coups de couteau s’enfoncer dans le dos de Sophie. Confus et pourtant lucide, sans illusion sur lui-même et sur ce qui l’entoure, il jette sur le monde un regard cynique, empreint d’humour noir, tranchant comme un scalpel ou comme le couteau avec lequel il a peut-être tué Sophie. Son affect est trouble, mais son intelligence est vive.

S comme Sophie est un roman lyrique, troublant, beau comme un blues lancinant chanté d’une voix rauque.

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Extrait

De 20h59 à 22h40, c’est une suite ininterrompue de phénomènes inexplicables, une sorte de réaction en chaîne consécutive à la surchauffe d’une idée saugrenue à l’intérieur de mon cerveau.

À 22h40, j’ai entendu deux gémissements qui semblaient parvenir de deux poitrines différentes, mais le deuxième gémissement, c’était l’écho du premier.

Sophie gisait sur le plancher et moi, je regardais ailleurs, dans le vide absolu d’un jeudi soir pas comme les autres (c’était peut-être un vendredi).

J’ai ensuite regardé ma main et il manquait un autre doigt: c’était l’index, cette fois.

À la place, il y avait un trou, dans le trou une tranche de vie et dans la tranche de vie, une femme qui fait l’amour avec des rats et un homme qui brandit un couteau dans les airs.

On en parle

Avec ses phrases brèves et la forme fragmentaire de sa narration, le texte étonne agréablement par un lyrisme qui, tout en suggérant la fragilité du personnage, dégage une force virile, assumant sa différence.
– Éric Paquin, Voir Montréal, 7 avril 2011