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Karl, Marc et Marie ont été éprouvés par leur enfance: leur mère est morte prématurément et leur père était toujours ailleurs. Aujourd’hui, pilier d’un bar ironiquement nommé le Palace, il passe ses journées à boire, entouré des Bukowski d’opérette qui forment sa cour. À la suite d’un accident de moto, Marc s’est retrouvé infirme et sans travail, Karl vit de petites combines et Marie s’épuise à concilier ses rôles de mère, de conjointe, de serveuse au delicatessen, d’écrivaine et de militante au sein du Comité de défense de la rivière Sainte-Camille.

Élément central du roman, cette rivière est à l’image des protagonistes: elle a été entravée par un barrage comme eux l’ont été par leur enfance. Un barrage qui a permis la création d’un lac dont profitent les propriétaires de résidences cossues. Cruelle injustice pour les habitants de cette petite ville qui doivent se contenter d’une rivière d’autant plus rétrécie que, cet été-là, la canicule perdure.

La voix du narrateur, Marc, est rocailleuse comme les rives de la rivière asséchée, rude comme sa vie. Mais cette rudesse est compensée par l’esprit d’entraide qui l’anime. Comme s’il cherchait à recoller les morceaux d’une mosaïque trop fragile, Marc vient souvent à la rescousse de son père, qu’il n’arrive pas à détester, il héberge son frère en convalescence et il s’inquiète de sa sœur, dont il est d’ailleurs amoureux.

C’est cette voix singulière, ce mélange de rudesse et de tendresse, qui fait tout le charme de ce roman.

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Extrait

On a bouffé des frites à la terrasse d’un snack qui faisait face au fleuve. J’ai eu droit aux aventures de Vic le marin qui prétendait avoir parcouru la planète sans jamais avoir connu le mal de mer. Tout emmêlés, ses souvenirs ne correspondaient en rien à ce qui me revenait en mémoire. Peut-être mentait-il, mais ça n’avait aucune importance. Ce qui comptait, dans ces récits, se trouvait au delà des faits. La plus grande des vérités s’étalait sous mes yeux sans que j’eusse dû fournir le moindre effort. Je saisissais un peu mieux la nature du bonhomme en l’entendant raconter ses histoires où il n’y avait nulle trace de ma mère, ni de Marie, ni de Karl, ni de moi-même. Il n’y avait que lui. Seul et, me semblait-il, heureux de l’être.